Extrait d’une causerie des années 1950
Par contre, le docteur était si ouvert que j’aimais travailler avec lui. Et un jour, il m’a – il avait l’air plutôt abattu, nous avions souvent de petites conversations, et ce matin, à son arrivée, il avait l’air plutôt abattu. Je lui ai dit : « Docteur, vous avez l’air troublé ce matin. » Alors, il m’a confié, « Ma sœur, je crois pouvoir vous dire que j’ai rencontré un courtier de New York et que j’ai depuis longtemps un problème d’alcool et d’une manière ou l’autre, nous avons parlé et nous avons juré, décidé de faire quelque chose pour aider les ivrognes. Alors, a-t-il ajouté, nous avons fait des expériences, nous en avons confié quelques une dans des maisons de convalescence » - il en avait placé d’autres dans d’autres hôpitaux et il m’a demandé « Ma sœur, voudriez-vous faire l’expérience d’en accepter un ? » Bien, j’ai hésité car quelque temps auparavant, probablement quelques mois, j’avais accepté un homme qui, oh il m’a semblé – je ne connaissais pas grand chose sur l’alcoolisme [rires de l’auditoire]. Je veux dire, je savais que certains pouvaient bien porter l’alcool et d’autres non. Ils s’étaient rendus à l’urgence et je leur ai parlé et l’un d’entre eux m’a dit « Ma sœur, j’aimerais m’allonger pendant quelque minutes. » Il travaillait au garage municipal et il avait l’air respectable. « J’ai un peu trop bu et je voudrais me remettre sur pied », ce qui m’a semblé une bonne chose. Le seul lit que nous avions de libre à ce moment-là était un matelas sur le sol d’une chambre. À cette époque, nous ignorions tout des traitements appropriés et je l’ai confié à l’homme de service, service médical, et je l’ai inscrit, mis au lit et je lui ai dit « Vous resterez tranquille, n’est-ce pas ? » « Oh oui, je le jure, je serai un ange ! » [rires de l’auditoire]. Je l’ai oublié. Quand je suis rentrée, le lendemain matin, la surveillante de nuit, une très grande religieuse — nous la taquinions sur la taille de ses pieds — m’attendait à la porte.
Elle me dit « La prochaine fois que vous admettrez un cas de DT dans ce service, je vous prierais de rester ici toute la nuit à courir après lui, comme nous l’avons fait. » [rires de l’auditoire] Ce n’est pas la fin de l’histoire non plus. J’ai décidé que c’en était assez. Je me sentais souvent mal de les voir refusés, mais je n’étais pas l’autorité suprême à l’hôpital. Alors, quand le docteur m’a proposé d’accepter le cas d’un vrai alcoolique – j’ai pensé un vrai ivrogne ? [rires de l’auditoire] – vous imaginez bien mes réserves. J’ai pensé Bonté divine ! Je lui ai raconté notre expérience précédente et je lui ai dit « Docteur, non seulement serai-je grondée, mais pensez aux patients et au reste. Je ne crois pas qu’ils veulent accueillir d’ivrognes. » Il m’a répondu « Ma sœur, ce patient ne vous causera aucun souci car je vais le mettre sous médication, je vous l’assure. »
Je lui faisais très confiance car il ne m’avait jamais menti et je le croirai toujours. Craintivement j’ai dit « Eh bien, docteur, je l’accepterai donc et je le mettrai dans une chambre double. » Je croyais bien faire car nous étions débordés et que les lits se faisaient rares. Je l’ai donc mené à cette chambre double, le docteur – excusez – le docteur s’est présenté et lui a administré le médicament et j’ai pensé, j’ai cru, que je n’en entendrais plus parler avant le lendemain matin, même s’il causait des dérangements.
Non n’en avons donc pas parlé. Le docteur est venu me voir à mon bureau – merci – il m’a dit « Ma sœur, auriez-vous objection à mettre mon patient en chambre privée ? » J’avais cru bien faire en le mettant dans une chambre double. [rires de l’auditoire] Il m’a dit « Des hommes viendront lui rendre visite et ils aimeraient lui parler en privé. » Je lui ai répondu « Docteur, je ferai de mon mieux. » Après son départ, j’ai examiné la situation ; de l’autre côté du corridor, il y avait une chambre que nous utilisions pour préparer les fleurs des patients et je me suis dit Ben, ils prépareront leurs fleurs ailleurs aujourd’hui car je crois pouvoir placer le lit dans cet espace. [rires de l’auditoire] C’est ce que nous avons fait. Les visiteurs sont arrivés et nous les avons gardés à l’œil. [rires de l’auditoire] Du moins, JE les ai gardés à l’œil ! Tout cela était nouveau et j’ai pensé Que ces hommes ont l’air solides et respectables ! On dirait qu’ils n’ont jamais bu.
J’ai joué le jeu et j’ai pensé, la prochaine fois, je ne me donnerai pas tout ce trouble, je le mettrai dans une chambre privée. Alors, quand le suivant s’est présenté, je l’ai mis en chambre privée et il – vous comprendrez que je ne connaissais pas grand chose aux alcooliques, j’étais loin d’être une experte. Dieu n’a pas choisi la plus forte quand il m’a choisie, je sais. Peu importe, je l’ai mené à la chambre (comme je le ferais pour tous les patients) et j’étais en train d’apporter son dossier au poste pour expliquer son cas à l’infirmière, je ne pouvais lui en dire beaucoup, mais je lui ai dit que Dr. Bob lui donnerait des instructions. Ne voilà-t-il pas qu’il me suit ! [rires de l’auditoire] Entre autres, il avait la langue bien pendue [rires de l’auditoire]
J’ai failli tomber à la renverse car les infirmières me regardaient toutes. J’ai dit « Retournez à votre chambre, j’arrive ! » l’infirmière est venue avec moi et il était caché sous le lit. [rires de l’auditoire] J’ai pensé Cela ne fonctionnera jamais. La prochaine fois, je ferai mieux d’en mettre deux ensemble. Je n’étais pas prête à abandonner. Je ne me souviens plus ce que j’ai fait, peut-être ai-je laissé quelqu’un le surveiller ou autre chose. Je sais cependant qu’à la suite de cet incident, je les mettais deux par deux avant de finir dans une chambre à quatre lits qui sembla donner de bons résultats – un ivrogne en aidant un autre. Règle générale, un ou deux d’entre eux se calmait au bout de quelques jours et nous avons donc pris une autre chambre à deux lits. Il était difficile de leur dire non quand ils voulaient s’en sortir. Entretemps, les hommes venaient très souvent à l’hôpital. À tel point que les Sœurs demandaient « Qui sont ce hommes si distingués ? Ils sont ici souvent et semblent s’intéresser beaucoup aux patients. » Au début, je n’ai rien dit, mais plus tard j’ai dit « Bien ce sont les AA. » « Que sont les AA ? » « Aimeriez-vous en savoir plus ? » « Bien sûr » « Bien, je vous apporterai de la documentation. » [rires de l’auditoire] Avant cela, un comité des Alcooliques anonymes avait rencontré Mère Supérieure – elle avait beaucoup d’expérience sur les anciennes pratiques de la charité et elle comprenait ce que nous faisions. Elle parlait de ces hommes en disant « Étrangement, sans charité, ils courraient partout dans les corridors mais depuis que Dr Bob les traite, nous ne savons même pas qu’ils sont ici. » Elle a ajouté « Je me vois aucun problème. Fournissez-leur. » Merveilleux !